Tornade du 27 août 1955
La tornade fait de graves dégâts dans le vignoble de l’Hérault.
Les chutes d’eau ont été particulièrement abondantes et en certains endroits, la grêle est tombée avec violence.
Ailleurs, mais de façon localisée, une véritable tornade s’est abattue. Des vignes ont été complètement ravagées et les dégâts sont, en général, très importants dans tous les lieux atteints par le sinistre.
C’est une véritable catastrophe qui vient de s’abattre sur toute une région déjà éprouvée, et qui se produit à la veille même où les vignerons allaient enfin cueillir le travail de toute une année. Signalons en effet, que les tènements touchés avaient déjà souffert d’une forte gelée le 17 avril et d’une chute de grêle le 14 juillet.
La plaine verte a changé de couleur
L’épicentre de l’orage de grêle paraît se situer sur le territoire des communes de Cournonsec et de Cournonterral. C’est là que le spectacle de désolation apparaît dans toute sa plénitude. L’immense plaine verte a changé de couleur. Elle a pris les teintes rouillées de l’hiver.
Les ceps déchiquetés n’ont plus de feuilles. Des grappes gisent sur le sol. Les souches dénudées offrent au regard des fruits éclatés qui pourriront dans les plus brefs délais. La récolte est entièrement perdue.
Tout près, entre Fabrègues et Cournonsec, au lieu-dit le parage de Laurac, les dégâts sont importants. Un torrent a débordé, inondé les vignes sous une couche d’eau de plus d’un mètre et coupé pendant plusieurs heures la nationale Montpellier-Béziers. Les pierres des murs bordants les fossés ont été entraînées dans les vignes par le courant torrentiel.
Sur la voie ferrée Montpellier-Bédarieux, aux environs de ces localités des poteaux téléphoniques brisés en leur milieu gisent près d’un ballast. La commune de Cournonterral a été durement éprouvée. La totalité de la récolte est considérée comme anéantie. Des arbres ont été arrachées, des toitures ont été endommagées, des cheminées démolies. On signale que la foudre est tombée en plusieurs points sans toutefois causer des pertes humaines.
Une olivette détruite par la tornade
C’est entre Montbazin et Poussan que les effets de cette nuit d’orage sont les plus spectaculaires. Un champ de plusieurs dizaines d’oliviers presque centenaires est complètement ravagé. Les arbres ont été brisés à leur base et certains, pourtant énormes, aspirés avec leurs racines par les tourbillons de vent. De grosses branches ont été projetées à plus de deux cent mètres. La vigne de « clairette » entourant l’olivette est entièrement arrachée. On a l’impression d’un champ de bataille après un bombardement d’artillerie.
Plus loin, près de Poussan, une autre vigne située dans une cuvette a été « soufflée » par la tornade. Fait curieux, la grêle n’est pas tombée en ces lieux.
Dans tous les villages environnants règne la plus grande désolation. Les platanes mutilés – comme devant la coopérative de Montbazin – ont vu leurs branches tomber sur la route ou emportées au loin. Une épaisse couche de boue, de gravats divers, de pierres recouvre les routes et les chemins ravinés par les eaux. De grandes superficies de vignes sont encore recouvertes par les eaux.
Les propriétaires de vignobles non totalement détruits ont décidé de commencer immédiatement la vendange pour sauver une partie de leur récolte. Mais la maturité du raisin n’étant pas encore parfaite cette solution n’atténuera guère leurs pertes. Il n’y en a pas d’autres sur ce terrain.
Il est encore tôt pour évaluer et délimiter les dégâts mais les nouvelles qui nous parviennent situent l’ampleur de cette tornade sans précédent dans la mémoire des habitants des lieux touchés.
Circulation ferroviaire interrompue près de Montbazin
La tempête a provoqué la chute de six poteaux électriques sur la ligne Montpellier – Paulhan. La circulation ferroviaire a été interrompue. Le transbordement des voyageurs et des marchandises a été assuré par autocar entre Montbazin et Villeveyrac. La circulation ferroviaire a pu être rétablie au cours de l’après-midi d’hier.
La foudre s’abat à Gigean
La foudre s’est abattue notamment à Gigean et dans les environs de cette localité. Elle est tombée sur la maison de M. Thibaut, fort heureusement sans provoquer de dégâts. Dans un parc appartenant à Mme Lacroix, un arbre a été arraché par la foudre.
Le parc d’Issanka inondé
Grossie par l’orage la rivière a débordé dans le parc d’Issanka aux premières heures de la matinée et le parc était en partie inondé. La décrue de la rivière a commencé peu avant midi et vers la fin de l’après-midi la rivière, bien que roulant des eaux jaunâtres, avait repris son niveau normal.
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Les vendanges ont commencé à Cournonterral, à Cournonsec et sur quelques terres des communes de Pignan et de Montbazin. Les pieds dans la boue, les vignerons et leurs femmes ont essayé de sauver quelques grappes échappées au fouloir de la grêle. Hâtivement les caves coopératives ont été ouvertes pour recevoir une récolte qui s’annonce terriblement déficitaire. Les vendanges se poursuivront cette semaine dans un climat de consternation contrastant singulièrement avec la coutume qui fait de cette époque une fête de la joie.
A Cournonterral, nous avons trouvé M. Jean Rémond qui à son titre de président de la coopérative locale en jouit d’autres forts importants dans les grandes organisations viticoles régionales. M. Jean Rémond se trouvait à Cournonterral dans la nuit du 26 au 27. Il en a vécu les heures angoissantes dont nous avons recueilli de sa bouche le récit :
« Vers une heure du matin, un orage éclata, violent, mais tel qu’on en vit beaucoup d’autres. Vers 3 h. une tornade se déchaîna et pendant une heure et demi nous vécûmes au centre d’un cyclone. »
Au centre d’une tornade
« Un vent d’une extrême violence soufflait en cercles concentriques. Des paquets d’eau tombaient : 13 centimètres en quelques heures. Ce qui ajoutait au caractère tragique des événements c’était le martèlement ininterrompu du tonnerre et le jaillissement sans arrêt des éclairs. Ceux-ci fusaient de partout. La foudre est tombée peut-être cent fois et c’est miracle qu’il n’y ait pas eu de victimes. »
Des femmes du village, évoquant ces mêmes heures, nous diront qu’elles croyaient que la fin du monde était venue. « Des boules de feu circulaient dans les couloirs et couraient d’une pièce à l’autre » décrivait l’une d’elle. Ici des enfants hurlaient de peur, ailleurs on priait ; les éclairs se suivaient par rafales, sans une seconde d’ombre. Des craquements secs, comme si les nues s’étaient déchirées, paraissaient ouvrir la terre en deux. Au craquement de la foudre se mêla bientôt le lugubre martèlement de la grêle. Écoutons le récit de M. Jean Rémond : « Il tombait des grêlons de grosseur normale, mais aussi des blocs de glace. On ne compte pas les verrières et les vitres qui furent brisées. Un phénomène étrange se produisit : des grêlons déjà tombés étaient aspirés par le vent qui soufflait en tourbillon. Ils montaient et descendaient avec violence, faisant office de fléaux, avec lesquels les vents fouettaient les vignes. La force du vent était telle que des branches de platanes grosses comme une cuisse furent arrachées. Il paraît possible de situer le centre des tourbillons : certaines vignes ont été littéralement hachées, des ceps ayant été mis à nu et d’autres arrachés. Dans les rues du village des torrents d’eau mêlés de boue coulaient. A l’entrée de Cournonterral, coté sud, se trouve un lieu que l’on appelle le lac de Ramassol. Il s’agit d’une cuvette habituellement sèche. Cette nuit-là, le lac a débordé et ses eaux ont envahi le rez-de-chaussée d’une maison. Un cheval qui se trouvait dans l’écurie a été sauvé au prix de terribles efforts. »
Des centaines de millions de dégâts
Les dégâts provoqués par un cataclysme aussi violent ont été considérables. A ceux qui douteraient, une visite des lieux sinistrés apporterait un témoignage insoutenable.
Le bilan de la nuit du 26 au 27 a été, massivement, établi par une délégation des services agricoles, envoyée par le préfet et qui comprenait MM. Peyrières, directeur, et Bonniol, ingénieur. D’après M. Jean Rémond, la récolte 1955 accuserait, pour la seule commune de Cournonterral, un déficit de 55 à 57 mille hectos. On pense faire 3 000 hectos contre 60 000 l’année dernière.
L’ensemble des dégâts s’élèveraient entre 300 et 400 millions de francs. Plus de 100 000 hectos de vin ont été anéantis et 1 700 hectares ont été touchées. C’est une très lourde perte qui est particulièrement cruelle puisqu’elle arrive à une quinzaine de jours des vendanges.
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Nouvelles des communes sinistrés : Montbazin
Un ouragan a sévi pendant plus d’une heure, tenant la population en alerte dans les maisons. Les cheminées, les toits enlevés comme fétus de paille, précédaient les branches d’arbres dans une ronde infernale. Le vent s’engouffrait dans la moindre fissure et soufflait tout ce qui offrait quelque résistance. L’eau des coteaux rejoignait en trombe la rivière (en cette saison complètement tarie) qui roulait une eau limoneuse et qui ne tardait pas à envahir tous les bas-fonds. Les eaux couvraient une partie des routes et quelques vignes. Les grêlons martelaient avec force et faisaient voler en éclats les vitraux de l’église. La gare fut endommagée et un hangar fut soufflé. Certains grêlons pesaient 380 grammes. Les moteurs de la cave coopérative furent mis hors d’état de fonctionner. Dès le jour levé le spectacle était plus lamentable encore. Des arbres, pins, oliviers, fruitiers arrachés ou déracinés, écrasaient de leur poids mort les souches d’alentours.
Le vent, la pluie, la grêle, avaient anéanti en quelques instants tous les espoirs du vignoble. Il en est qui ne vendangerons pas. Le maire de Montbazin a alerté le Conseil général de l’Hérault. M. Montet, ainsi que M. Crespy, ingénieurs de l’E.D.F. se sont rendus à Montbazin dans l’après-midi et ont pu constater l’état des terres notamment aux Mouillères où le désastre est complet. Les pouvoirs publics, ainsi mis au courant de notre désespérante situation apporteront sans nul doute une aide rapide et efficace pour panser toutes les blessures et redonner quelque courage aux plus atteints.
Transcription d’articles parus dans Midi Libre les 28, 29 et 30 août 1955
Autres éléments du patrimoine bâti et naturel du village de Montbazin