Vendanges et « colles » de vendangeurs
Les vendanges « en famille » chez Lucienne et Roland Palet – Années 70
Les équipes de vendangeurs sont traditionnellement dénommées « colles ». Le nombre de personnes varie selon les circonstances, mais l’équipe de base est composée de 6 coupeurs, un videur de seaux, un ou deux porteurs et un charretier ou conducteur. La coupeuse la plus expérimentée remplit le rôle de « meneuse » et donne le rythme du travail. L’effectif peut être renforcé par un « quichaïre », en particulier dans les vignes à grosse production.
Les vendanges ne sont jamais improvisées, elles se préparent à l’avance. Les propriétaires affinent leur « colle » et recherchent le personnel manquant. Pendant les années 50 et 60, de nombreuses familles espagnoles venaient vendanger dans nos villages, accueillies par les propriétaires et logées dans des maisons annexes de leur habitation principale, souvent appelées « ramonétage ». Les ménagères font des provisions, le matériel nécessaire est passé en revue. Une quinzaine de jours avant les vendanges les comportes en bois de châtaignier sont, avant leur utilisation annuelle, mises en eau, imbibées pour que le bois gonfle afin de les rendre plus étanches, et les cercles en fer ajustés avec un outil appelé « chiasse ».
Les colles attendent le « ban des vendanges », toujours d’actualité, autorisation administrative pour commencer la récolte.
La cave coopérative « les Costières de Montbazin » a été inaugurée en 1937.
Liste des Presidents de la coopérative “Les Costières de Montbazin”, de 1937 à 2006
Répartition de la propriété en 1955 : les propriétaires de moins de 3 ha représentent 82 % du nombre d’exploitants et 19 % de la surface, généralement des ouvriers agricoles qui travaillent à coté quelques vignes. Ceux de 3 à 5 ha sont 9 % et ont 8 % de la surface. Ceux de 5 à 10 ha 4 % et 6 % de la superficie. Les propriétaires de plus de 10 ha sont 3 % pour une superficie de 64 %.
Ci-contre les déclarations de récolte à Montbazin, de 1815 à 1959 (cliquer sur l’image pour l’agrandir).
En 1956 le « Studio Durand », photographe de Séte, effectue une tournée dans le vignoble et immortalise de nombreuses colles.
Vendanges en 1958 : on assiste à un progrès considérable avec la charrette à pneus, tirée par le cheval « Papillon ».
Sur la charrette conduite par Raymond Artignan, Marius Nègre et Mariano Barthes tiennent les sémaillés.
Le raisin est cueilli par un « coupeur » (le plus souvent une coupeuse) en utilisant une serpette ou un sécateur (photo ci-dessous), pour remplir un seau en fer d’environ 8 litres.
Ce seau est emporté par un « videur de seaux » pour être versé dans une comporte en bois.
Le « quichadou » sorte de masse en bois permet de comprimer le raisin et de finaliser le remplissage de la comporte en faisant « le chapeau ».
Deux « porteurs » transportent les comportes en utilisant des « sémaillés », leviers en bois, plus tard une brouette, jusqu’à la charrette stationnée en bordure de la vigne, qui une fois chargée est conduite à la cave par un charretier, plus tard par un tracteur.
Des brouettes avec une roue pneumatique sont introduites dans les années 1960 pour porter les comportes, réduisant l’effectif à un seul porteur. Selon le cépage et les conditions de la récolte, les comportes contiennent entre 90 et 100 kilos de raisin. Des comportes en fer, demandant moins d’entretien, puis des comportes en plastique plus légères ont fait leur apparition vers 1970, ainsi que des seaux en plastiques. Lors de certaines périodes des hottes sont utilisées pour porter le raisin du seau du coupeur à la charrette équipée d’une benne, à l’image d’autres régions viticoles, surtout sur les sols gras, lors de fortes pluies, avec sur la charrette des « pastières en fer ». Puis des bennes tractées étroites, pouvant circuler entre les rangées des vignes, remplacent les comportes, le videur de seau vidant directement dans la benne située dans la rangée au milieu de la colle. Aujourd’hui la machine a vendanger réduit l’effectif à trois ou quatre conducteurs, un pour la machine à vendanger, les autres pour le transport de la récolte à la cave avec des tracteurs-bennes.
La manière de vendanger ne change pas que la vinification soit effectuée en caves particulières ou à la cave coopérative (dès 1937 à Montbazin). Le 8 novembre 1937 le conseil d’administration de la cave coopérative fixe le salaire journalier des vendanges à 34 francs et 3 litres de vin pour les hommes (videur de seau, porteur de comporte, charretier…) et celui des femmes (coupeuses) à 22 francs et 2 litres de vin. Pas de jours de repos, on vendange sept jours sur sept.
Vers les années 1980 la cave coopérative fermait le dimanche obligeant les colles à s’arrêter et seules les caves particulières pouvaient travailler.
La vie sociale s’adapte à cette période de récolte de la monoculture dominante, le village vivant à l’heure des vendanges, l’évènement économique et humain majeur de l’année dans les villages languedociens. Le départ des « colles » à 7 heures du matin, la noria des charrettes circulant entre vigne et cave, l’odeur du raisin écrasé ne laissent planer aucun doute. Les commerces adaptent leurs horaires d’ouverture, proposent des produits particuliers pour « manger à la vigne », l’horaire des offices religieux est modifié, les enfants en âge de vendanger « manquent l’école ». Ces enfants ne font pas la rentrée scolaire et les instituteurs font plutôt des révisions en leur absence et ne commencent leur programme que lorsque la classe est complète.
Traditionnellement à la fin des vendanges chaque propriétaire offre à sa colle de vendangeurs un gouter ou le « repas des vendanges » et le village organise le traditionnel « bal des vendanges », puis ont eu lieu « les corsos des vendanges » de 1996 à 2004, photographie ci-dessus.
Article de Midi Libre du 3 octobre 1999 relatant le corso des vendanges et mettant en valeur « le petit rosé » !
Le « grapillage » consistaient après les vendanges à cueillir les grappes de raisins laissées par les vendangeurs parce qu’elles n’étaient pas mûres.
Le 22 août 1987 :
célébrations du cinquantenaire de la cave coopérative.
A l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine 2023 sur le thème du patrimoine vivant, le CRPM a mis en valeur cette mémoire en présentant
« DE LA VIGNE ET DES HOMMES »
exposition de photographies de Paul Amouroux à la chapelle Saint Pierre,
« Matériel agricole ancien et outillage de vignerons Montbazinois »
dans la cave viticole de la famille Rous,
« Une vie de vigneron à Montbazin – 1850 à 1950 »
conférence de Stéphane Le Bras, Maître de conférences, en la chapelle Saint Pierre,
ainsi qu’une « Dictée du Patrimoine » sur un thème lié au vin.
Une « vendange scolaire » des élèves de deux classes des écoles Montbazinoises (CE2 et CM2), dans une vigne au Mas de Thérèse, a été également organisée pour cette circonstance (Ci dessous).
Ci dessous : Vendanges manuelles et vinification en cave particulière en 2023 – photographies Paul Amouroux
Les deux cépages qui ont émergé depuis 1850, le Carignan (essentiellement cultivé en Languedoc et originaire d’Espagne, d’où son autre appellation de Plan d’Espagne) pour le degré et l’Aramon pour la quantité, sont progressivement rejoints depuis les années 1970 par Cinsault, Grenache blanc, gris, ou noir, Alicante Bouschet, Chardonnay, Cabernet Sauvignon, Merlot, Syrah… dans une démarche d’amélioration qualitative toujours approfondie.
« Les raisins de la colère » extrait pdf de L’Hérault Heureux, de Gilbert Lhubac (1958-2017) : « des chroniques d’autrefois qui nous permettent d’évoquer une enfance heureuse dans un village… où nous nous connaissions tous ! ». Éditions Le Papillon Rouge
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