Valfalis, un jardin médiéval
par Monique ROUSSEAU
Le lieu dit Valfalis, sur la commune de Montbazin, a su préserver de nombreux témoignages de son passé. Cette partie des garrigues, au sous sol en calcaires jurassiques, a conservé une faune et une végétation très intéressantes puisque nous retrouvons certaines plantes qui figurent déjà dans les ouvrages tels que Materia médica écrit par Diosconde en l’an 65 ou bien dans le Capitulaire de Villis, texte écrit entre le VIIIème et le IXème siècle et encore dans le De Cultura hortorum de Walahfribus Strabo écrit vers les années 842.
Plus de cinquante espèces y ont été inventoriées sans compter les témoignages ethnobotaniques laissés par les viticulteurs, les nombreuses orchidées protégées par la convention de Washington et la directive 92/43 CEE du 21 mai 1992.
Parmi celles-ci, nous pouvons citer :
L’asperge sauvage (asparagus acutifolius) à feuilles piquantes, utilisation culinaire mais aussi diurétique.
L’aigremoine (agrimonia eupatoria), employée à des fins médicales, contre les morsures de serpents, pour soigner les affections de la cornée et beaucoup de troubles digestifs, même en onguent pour lutter contre la peste.
L’ail de Naples (allium néapolitanum) à cueillir en mars et l’ail rose (allium roseum) en mai. Ainsi que l’oignon (allium cepea) sont largement utilisés depuis l’antiquité jusqu’au Moyen Age. Son action antiseptique est bien connue. C’est sans conteste le plus important des condiments-remèdes.
L’amandier (amygdalus communis) à usage culinaire, telle la purée de poireaux au lait d’amandes.
Les aristoloches (Aristolochia rotunda et pistolochia) poussent naturellement dans nos régions et sont réputées pour favoriser les accouchements.
L’aubépine, Azérolier ou épine d’Espagne (crataegus azarolus) sert de haie naturelle et possède de petits fruits fébrifuges. La mise en évidence de leur vigoureuse action cardiaque, due à des médecins américains, est une découverte récente.
La bette (beta vulgaris ou beta maritima) appelée aussi porée, était un légume fortement recherché au Moyen Age.
Le bouillon blanc (verbascum thapsus) ou herbe de Saint Fiacre est une plante médicinale aux qualités béchiques qui servait également à soigner les furoncles et les panaris. Utilisé aussi contre les bronchites.
La bourrache officinale (borago officinalis) est une plante médicinale dépurative, diurétique et rafraîchissante.
La carotte (daucus carotta) existe à l’état sauvage mais son aspect présente beaucoup de similitudes avec la dangereuse ciguë.
Le chardon (cardus) possède de nombreuses variétés. Ses feuilles sont consommées cuites. Le suc de chardon mêlé à la sauge combat les douleurs cardiaques.
La chélidoine (chélidonium majus) est une plante médicinale aux vertus antispasmodique, cholérique et purgative. Il est absolument déconseillé d’ingérer la plante. Son suc qu’il ne faut jamais appliquer sur des plaies ouvertes brûle aussi bien les verrues que les cors.
Le chèvrefeuille (lonicera), entrelacé (lonicera omplexa), étrusque (lonicera étrusca) est un arbuste ornemental au fort parfum qui chasse les insectes. Ne pas consommer les baies.
Le cognassier (cydonia vulgaris) se trouve encore à l’état sauvage produit des fruits au goût très parfumé. (Les pommes d’or du jardin des Hespérides du temple de Zeus à Olympie.)
Le cornichon sauvage (ecballium elaterium) à usage décoratif est utile en cas de disette. Ses pousses se mangent en salade, ses jeunes feuilles confites au vinaigre se consomment comme des cornichons. C’est un diurétique violent.
La corroyère à feuilles de myrte (cariaria myrtifolia) belle plante servant au tannage et dans la teinture. Utilisé en complément des racines du chêne kermès pour accélérer le tannage des peaux. Plante très toxique.
L’euphorbe (nombreuses variétés) a la réputation de soigner les verrues. Autrefois utilisée pour faciliter la pêche dans la rivière avec son suc anesthésiant puissant utilisé par les indiens d’Amazonie. Ne pas confondre avec le pourpier. Plante dangereuse.
Le fenouil (anethum foeniculum vulgare), plante médicinale et culinaire.
Le figuier (ficus carica), plusieurs variétés. Les figues, comme les prunes, sont consommées fraîches ou cuites.
La fumeterre (fumaria officinalis) est un indice de terre riche, elle soigne les affections hépatiques. Avec l’angélique et le frêne elle fait partie des simples qui rendent centenaires.
La garance (rubia peregrina) donne aux tissus une belle couleur rouge. Teinture longtemps utilisée mélangée au suc bleu d’une crucifère appelée Pastel pour obtenir une très belle couleur violette. Sa racine est diurétique.
L’héliotrope d’Europe (héliotropium europaeum) possède de petites fleurs utilisées en parfumerie.
Le petit houx ou fragon (ruscus aculeatus) soigne les troubles veineux. Utilisé en cure au printemps.
La jusquiame (hyosciamus albus) utilisée comme onguent médicinal, contient des alcaloïdes. Plante particulièrement dangereuse.
Le laurier (laurus nobilis) réservé à un usage culinaire, médicinal et assainissant. Il soigne les problèmes digestifs et l’asthénie. Considéré comme un puissant stimulant et antiseptique.
La lavande officinale (lavandula officinalis). Il existe plusieurs variétés employées en parfumerie, elle entre dans la composition d’une formule anti-contagion. Elle sert à purifier les demeures et à lutter contre les poux.
Le lierre grimpant (hedera hélix), le chouchou de la pharmacopée antique, sert à traiter la jaunisse, les écoulements menstruels et les problèmes viscéraux. Les fruits sont toxiques. Il était connu pour troubler les esprits. C’était l’emblème de l’ivresse et, avec la vigne, un des attributs de Bacchus.
Le marrube (marrubinum incanum) entre dans la composition d’une préparation à base de fenouil et de vin qui agit sur la toux.
La mauve officinale (malva officinalis) entre dans la composition de tisanes pour soigner la fièvre, le mal de tête, la gorge irritée et dans de nombreuses autres préparations culinaires.
Le millepertuis (hypericum hirsutum), très efficace pour traiter les brûlures. Les fleurs sont mises à macérer dans de l’huile d’olive, exposées en plein soleil pendant un mois en été.
La molène (verbascum sinuatum), plusieurs espèces similaires, utilisée en salade. Les feuilles étaient autrefois utilisées pour fabriquer des mèches de lampes à huile et les hampes florales pour chauffer des fours de boulanger. Recommandée contre la bronchite, trachéite, enrouement et manque de sommeil.
La nigelle de Damas (nigella demascena) possède un certain pouvoir anesthésique sur les piqûres d’insectes.
L’œillet (dianthus), plusieurs variétés sur notre site, a des propriétés odorantes. C’est aussi le symbole des fiançailles.
Le poireau (allium porrum), usage culinaire et diurétique, comme l’asperge.
Le prunellier (prunus spinosa) avec lequel on élabore l’alcool de prunelle.
La rue (ruta), plusieurs espèces, épice fort prisée à l’époque antique, sert de médicament contre l’impuissance mais peut provoquer des avortements. Sa présence éloigne les vipères. Ne pas confondre avec l’absinthe.
Le rumex (rumex acetosa) ou oseille, la langue de bœuf (rumex pulcher à ramifications rouges), crépu (rumex crispus) ou tête de bœuf (rumex bucephalophorus) se mangent en salade. Incompatibles avec les eaux minérales, pas de récipient en cuivre.
Le romarin (rosmarinus officinalis) et romarin blanc (staehelia dubia) – seule plante représentant le staehelia en France – à usage aromatique en cuisine, sont des plantes médicinales entrant dans la composition d’une formule anti-contagion. Il agit sur le système nerveux, stimule les asthéniques, affermit les mémoires défaillantes. Anti-cholestérol.
La ronce (rubus fructicosus), feuilles et fruits sont utilisés en cuisine et en médecine. L’infusion de ses feuilles mélangées avec celles du framboisier fournit un thé délicieux. Antidiabétique.
Le plantain (plantago), plusieurs espèces aux vertus culinaires et thérapeutiques. Cuisiné comme les épinards, il apaise la goutte, diminue le gonflement des glandes, enlève les points de côté, soulage les piqûres d’insectes et permet la consolidation des os.
La salsepareille (smilax aspera) est très toxique. Ses fleurs peuvent être utilisées avec de l’alcool pour la confection d’une liqueur.
Le salsifis (tragopogon porrifolius), plante comestible dépurative, diurétique et sudorifique. Sa racine se prête à de nombreuses préparations culinaires. L’eau de cuisson est une excellente base de potage. Ses feuilles ont un goût qui ressemble à celui de l’endive ou de la chicorée.
La sauge à feuilles verveine (salvia verbenaca) soigne les maux d’estomac et la migraine.
Le séséli tortueux (seseli tortuosum), autrefois cultivé sur de grandes surfaces. Utilisé comme contrepoison.
Le silène (silene) plusieurs variétés, utilisé en soupe ou comme les épinards. Est très largement présent sur les enluminures. *
Le souci (calendula officinalis) est comestible, ce qui ne l’empêche pas d’être utilisé comme contre poison, et de traiter les ulcérations. Les feuilles se mangent comme le chou en salade.
Le sureau (sambucus nigra) nous retrouvons une recette aux fleurs de sureau au XIVème siècle. Utilisé comme cure de printemps, pour soigner les orgelets, les piqûres ou la constipation.
Le thym (thymus vulgaris) plusieurs sous variétés. Plante médicinale aromatique entrant dans la composition d’une formule anti-contagion, vertus digestives et anti-aphte ; parfume viandes et ragoûts.
La valériane potagère, mâche, doucette (valérianella locusta) à usage culinaire. Extrêmement recherchée elle est en cours de disparition. Pousse dans les lieux humides.
La vipérine (épium ou echium vulgare), plusieurs variétés, consommée en salade ou sert de condiment. Contient un alcaloïde paralysant comme le curare.
* Peinture ou dessin exécuté à la main qui décore ou illustre un texte généralement manuscrit.
Avant de partir à la découverte de cette micro réserve botanique, nous vous conseillons de parcourir le centre du vieux village autour du château et des remparts où il reste quelques spécimens de plantes médicinales telles la panétaire, la jusquiame (plante particulièrement dangereuse) et un ricin. Ensuite deux possibilité s’offrent à vous : soit vous descendez et traversez le jardin méditerranéen, près du dernier petit mur à droite, quelques vestiges de chélidoine (appartenant à la famille des pavots elle renferme des alcaloïdes toxiques), du launer noble, quelques laiterons et des bettes Vous remontez ensuite jusqu’aux derniers pins et prenez le chemin des garrigues, ou alors, vous prenez la rue de la davalade. Au pied du dernier grand mur, sur la droite ; avec un peu de chance vous pourrez voir des bourraches, des nombrils de vénus (uniquement en usages externes), de la doucette et du pissenlit dent de lion (365 fleurs, 1litre d’eau et 1 kg de gelsuc vous donnent 2 kg de miel), du plantin et des nigelles de Damas dont les graines seraient toxiques.
Dépassez les quelques pins et deux possibilités s’offrent encore à vous. Vous pouvez faire un petit détour en prenant le chemin à droite où vous pourrez admirer des rosiers chiens, un très bel érable de Montpellier, les derniers ormes champêtres et l’envahissante rouvet à l’odeur persistante ou rejoindre les garrigues en coupant à travers les vignes et en prenant soin de marcher le long des fossés car à l’origine ces vignes étaient d’anciens marécages.
Si vous avez choisi ce deuxième chemin votre route sera bordée de mauves, de laiterons maraichers (souvent dégustés en salade), de cornichons explosifs (plante très toxique), et en se hissant sur la pointe des pieds vous pourrez apercevoir près des chevaux les étranges héliotropes. Continuez jusqu’au prochain embranchement près des vestiges d’un four gallo-romain et prenez à droite, de part et d’autre des myosotis capucines, des queues de lièvres, du géranium robert, des érodiums qui côtoient les menthes et les hélianthèmes. Vous voila arrivé au début de Valfalis.
Derrière les oliveraies vous trouverez un très ancien chemin qui a conservé une partie de ses murs.
Évitez de cueillir, observez plutôt. N’oubliez pas de vous munir de votre appareil photo si vous ne voulez pas rater la chenille de l’euphorbe, le rare échiquier, le petit bleu ou le citron qui papillonnent au-dessus des scabieuses et des lavandes. Avec beaucoup de chance vous pourrez immortaliser un basilic ou un lézard ocellé. Prenez garde toutefois à ne pas déranger le geai des chênes, la grive et le coucou geai, la petite faune qui peuple cet endroit.
Monique Rousseau