Via Domitia
Les Romains semblent s’être contenté, dans un premier temps de leur expansion territoriale, de renforcer leur présence commerciale dans le sud de la Gaule, utilisant le relais de Massalia (Marseille) et de respecter leurs accords de non-agression avec les tribus gauloises. Mais à partir des années 125/120 avant J.C. les Arvernes du massif central s’allient contre Rome avec les Allobroges de la vallée du Rhône et les Salyens en Provence. Après une première réponse militaire à la puissance gauloise montante et l’installation d’un premier camp militaire permanent en Gaule, Aquae Sextiae (Aix en Provence), l’idée de créer un nouveau territoire de colonisation romaine en transalpine est débattue à Rome et conduira à plusieurs campagnes militaires victorieuses. Rome prend peu à peu possession du sud de la Gaule.
En 121 avant J.C. Cneius Domitius Ahenobarbus (ou Cnaeus Barbe d’Airain), devient consul de Transalpine et, à la tête d’une nouvelle armée et d’un premier contingent de colons romains, poursuit la campagne de pacification et d’extension de l’Empire.
Grand militaire, Domitius fut aussi un bâtisseur et construisit une route qui permit la mise en place de l’organisation d’une province romaine.
Il fonde vers 117-118 la colonie romaine de Narbo Martius (Narbonne) qui deviendra la capitale de la future province Narbonnaise et d’un grand port, au débouché de la route d’Aquitaine dans la plaine littorale, ainsi que Forum Domitii (Montbazin) sur la Via Domitia dont le chantier est déjà ouvert. Cette route qui a gardé son nom jusqu’à aujourd’hui fut essentielle pour les échanges internationaux voulus par Rome.
Des bornes milliaires (ci contre, au Musée de Narbonne) jalonnent l’itinéraire tous les 1481 m
La voie que trace Domitius, des Alpes aux Pyrénées, devra être sûre, rectiligne, reliant des agglomérations permettant chevaux, gîte et nourriture pour la nuit : les mansiones, relais d’étapes établis tous les 25 à 35 km (15 à 20 milles romains). A chaque mansio correspond une agglomération gauloise.
Une seule exception : entre l’oppidum de Sextantio (Castelnau-le-Lez) et Cessero (Saint-Thibery) le tracé choisi ne rencontre pas de ville gauloise. Domitius dut créer de toute pièce une mansio, à laquelle il donna son nom « Forum Domitii », sur le territoire de l’agglomération actuelle de Montbazin, au lieu-dit « Les salles ».
La voie Domitienne au Moyen-âge
En 1132 une transaction (publiée dans l’Histoire du Languedoc) passée entre le Comte de Toulouse, qui intervient en tant que tuteur de Béatrice de Mauguio, et Guilhem VI, seigneur de Montpellier, confirme que la « voie publique » utilisée par les pèlerins de Saint-Jacques est une variante de la voie Domitienne, plus au sud de celle-ci, avec des étapes différentes, en raison en particulier de la prééminance prise par Montpellier. Cet itinéraire ne passe donc plus par Montbazin. La section de Gigean du « Caminus Peregrinum » est appelé « Caminus Sancti-Jacobi » dans le Cartulaire de Maguelone, en 1194.
Le cami roumieu / chemin des pèlerins ne serait donc pas une création médiévale mais une reprise de l’ancienne Via, avec un itinéraire moins rectiligne et sur certains secteurs des variantes basées sur d’anciens tracés de remplacement. Ce qui est le cas entre Codognan et Loupian. L’appellation équivoque de chemin des romains peut aussi bien se référer au chemin des roumieux, nouvel itinéraire des pèlerins.
Le chemin de la Poste, initié durant le règne de Louis XI (1461-1483), arrive à Narbonne en 1537. Melchior Taverner en publie la carte en 1632 : le tracé suit généralement la voie Domitienne, mais emprunte aussi le chemin des pèlerins, en évitant Montbazin : en sortant de Montpellier par la Croix d’Argent et le pont de Rieucoulon le tracé suit le camino novo par Saint-Jean-de-Védas, Fabrègues, Launac et Gigean où était construit un relais de poste. Le chemin de la Poste, sur ce tronçon, a servi d’emprise à la N 113 jusqu’à la Croix de Bouzigues implantée au clap de Male Vetula. Les courriers bifurcaient ensuite vers Loupian. Le chemin Roumieux rejoignait ensuite l’ancienne voie Domitienne de Pinet à Béziers, environ 26 km, le plus long tronçon dans notre région maintenu en service jusqu’en 1683, date à laquelle le pont de Saint-Thibery s’est trouvé définitivement hors service au profit du trajet Loupian-Valmagne-Pèzenas.
Une Randonnée « Via Domitia » à proximité du village héraultais de Pinet (à 20 km de distance de Montbazin) permet aujourd’hui d’en découvrir vestiges et techniques de constructions.
Des bornes milliaires (image ci-contre) ont été installées en 1995 dans le village de Montbazin et sur une grande partie du parcours pour marquer le passage de la voie Domitienne et rappeler au public d’aujourd’hui la mémoire de cette période gallo-romaine en Languedoc.
Autel de Cneius Domitius Ahenobarbus : partie droite d’une plaque connue sous le nom de la « frise du recensement ». Marbre, œuvre romaine de la fin du IIe siècle avant JC (Provenance : Champ de Mars, Rome).